Un mois en patagonie

Déjà un mois que nous avons quitté la France.

Après quelques jours en mode touristes pour découvrir les villes de Barcelone, Buenos Aires et El calafate nous étions heureux de monter sur nos Chirubikes.

Le temps file sur nos vélos, rythmé par l’effort, les découvertes et l’intensité des journées. Chaque soir, nous savourons le moment où nous glissons dans nos duvets, fatigués mais heureux.

Dans cette aventure, la recherche du confort primaire, d’une bonne nutrition et d’une bonne hydratation est essentielle pour ménager notre corps et notre esprit. Cela fait maintenant plus de trois ans que nous pratiquons l’itinérance à vélo, et ce projet, mûri durant plus d’un an, se vit aujourd’hui dans toute son authenticité. Ce que nous avions imaginé, rêvé, est devenu simplement la réalité de notre quotidien.

L’effort et l’introspection

Sur la route, nos pensées se bousculent. Lorsque l’effort s’intensifie, les idées deviennent confuses, notre langue se tait pour laisser place au souffle court, concentré sur la prochaine ascension ou la dernière bosse qui saisit tes mollets en fin de journées. Mais nos yeux, eux, restent grands ouverts. Chaque virage dévoile une nouvelle merveille de cette nature sauvage et plutôt preservée. Il y a parfois beaucoup de 4x4 et pickup qui soulèvent la poussière, et oui l’itinérance est ouverte à tous dans ces endroits magnifiques. Nous ne sommes pas tout le temps seul on ne va pas vous mentir. Il y a beaucoup de voyageurs à vélos que l’on croise. On partage beaucoup que ce soit le temps d’un sandwich ou d’une soirée.

Depuis le 11 février, nous avons passé 17 jours sur le vélo et pris trois jours de repos. Ces pauses sont cruciales, non seulement pour récupérer physiquement, mais aussi pour prendre du recul sur ce que nous vivons. Écrire, trier les photos et vidéos, se remémorer les instants marquants permet de les ancrer pleinement.

Nos premiers jours ont été une immersion brutale. Des journées de plus de 100 km sur des pistes parfois chaotiques, du ripio, comme on l’appelle ici. Ces chemins marquent nos corps, mais c’est aussi ce que nous sommes venus chercher. Je regarde Simon écraser ses pédales, se mettre en danseuse sur les pentes les plus raides : il est engagé à 200 %, habité par cette aventure.

Mots et rituels du quotidien

Qu’est ce qu’ils se passent sur nos vélos ?

Sur nos lèvres, des phrases :

  • « Elle n’était pas pour les enfants, celle-là ! »

  • « Regarde ce glacier monstrueux au loin… »

  • « J’ai zéro jambes ce matin… »

  • « Ce soir, on s’étire, hein ? »

  • « Tu veux manger quand ? »

  • « Il te reste des gâteaux ? »

  • « Wouah la voiture ! » (référence aux 404 ou autres Ford des années 80/90)

Et dans nos pensées, se bouscule : 

Penser aux récompenses du soir, lever les yeux pour oublier la difficulté, prendre du plaisir sur nos machines, contempler, se perdre dans des pensées, se poser des questions sur soit, se remémorer des souvenirs, penser à ses proches, … et autre divagations …

Cette aventure chamboule tout, aussi bien nos vies car nous sommes en train d'écrire l'une des plus belle page de la notre, mais aussi nos personnes, car cela nous bouleverse intérieurement et nous fait découvrir des facettes de nos personnalités qui était jusqu'alors insoupçonnées.

Et nos fins de journées, tu les imagines comment ?

Elles commencent toujours par une accolade sincère, celle de deux amis heureux d’avoir accompli une nouvelle étape sur ces routes andines. Si nous sommes proches d’un village, nous faisons quelques provisions pour le soir et le lendemain. Puis vient l’un de nos moments préférés : choisir notre bivouac, un lieu qui nous inspire, où l’on se sent bien, avec une belle vue apaisante.

L’instant d’hygiène est souvent une épreuve… mais un plaisir intense. Nous nous lavons dans les rivières glacées de Patagonie. L’eau est mordante, mais revigorante. C’est bon pour la circulation, nous nous le répétons pour nous encourager. Ensuite, on enfile nos vêtements en mérinos, fournis par la marque Icebreaker, merci à eux. Je ne vais pas vanter les mérites de cette matière, mais en itinérance longue distance, on vous la recommande vivement.

Puis vient l’heure de la popote. Nous sortons notre réchaud à essence Optimus (fournit par Matériel Aventure), fiable et puissant. Saucisses, poulet, pâtes, thon, riz, légumes, fruits, épices, douceurs sucrées… Les portions sont généreuses, car ici, on mange pour tenir nos journées de selle, et le plaisir de manger chaud quand la température chute à la disparition du soleil est un luxe que l’on chérit. Oui car ici, les températures fluctuent rapidement, parfois 25 degrés d’écart entre l’après midi et la nuit. Le temps est très changeant aussi, soleil, nuages, pluie, vents, tout y passe en moins de 4 heures.

Bien assis sur nos chaises Helinox, nous regardons le soleil disparaître derrière les montagnes, savourant ce moment suspendu avant de plonger dans nos draps de sacs et nos duvets, de gratter quelques lignes dans nos carnets ou simplement de revivre ensemble la journée écoulée. Nos matelas sont confortables, des sea to summit isolant et grand pour optimiser notre récupération (merci encore matériel aventure).

Ici, un extrait de ce qui est écrit dans le carnet de Valère le 28/02 :

« Départ tôt car grosse journée et pas n’importe laquelle.

100% de pistes -112 km - 1900 d+

Des chemins escarpés avec des pentes raides, on serre les dents, le vent ne nous aide pas. Au dernier village avant de s’enfoncer dans les montagnes Fabian nous a offert 2 cocas de sa petite supérette. Norquinco, ville reculée. De quoi vivent ils ?

Les paysages sont ensuites époustouflant, on est au milieu de nul part entre plaines arides et montagnes, rien ne pousse ici, il n’y a que des buissons et parfois du bétail, on croise 2 pick up et 1 cavalier en 7h. On les a nos grands espaces, juste sous nos yeux, c’est mythique. Pour couronner le tout je pêche une truite que l’on mange au bord de la rivière. Il y a même eu du soleil en fin de journée. On se couche le ventre plein et des souvenirs plein la tête. »

L’expérience d’une déconnexion totale

L’un des aspects les plus marquants de ce voyage est aussi l’absence de connexion. Nous n’avons pas pris de carte SIM au Chili, et nous nous en félicitons chaque jour. Plus de notifications. Plus d’interactions digitales. Juste le présent, l’instant, les rencontres. C’est une sensation presque inédite sur une aussi longue période. Nous nous sentons plus réceptifs, plus ancrés, plus conscients de ce que nous sommes venus chercher ici. Bien sûr nous prenons parfois un brin de wifi le temps d’un café pour donner des nouvelles à nos proches.

Les zones blanches sont devenues notre quotidien, et quel bonheur.

La Patagonie dans toute sa splendeur

Nous avons traversé les paysages les plus fous, ceux que l’on voit dans les films, sur les cartes postales, sur les documentaires,

  • Le Fitz Roy, imposant, magnétique.

  • Les glaciers, s’étendant à perte de vue.

  • Le Cerro Castillo, majestueux.

  • Les fjords, profonds et silencieux.

  • Les rivières, les lacs immenses et leurs couleurs.

  • Les pueblos, ces villages où les cabanes de bois et de tôle semblent figées, animées par la fumée provenant de leur poêle à bois.

Et puis, 50 km plus loin, un tout autre monde : une jungle luxuriante, des forêts primaires aux arbres immenses, drapés de lianes. Les bruits de la nature nous enveloppent : rivières, vents, cris d’oiseaux, cerfs. C’est puissant !

Nous avons aussi traversé les plaines arides et les montagnes désertiques, là où plus rien ne pousse, où personne ne vit, où les pistes abruptes ne laissent aucun répit. C’est la nature, la vraie, brute et indomptée. Quel privilège d’évoluer dans ces paysages, d’avoir ce décor pour quotidien.

Et toujours, ce son que l’on adore : nos vélos qui dévalent le ripio, le gravier qui crisse sous les pneus, le vent qui siffle dans nos oreilles.

Un mois en Patagonie, et déjà tant d’histoires à raconter.

Nous nous étions promis de vivre cette aventure pleinement.

Là-dessus, aucun doute : nous sommes exactement là où nous devons être.

On part en direction du Nord de l’Argentine maintenant, on aimerait être au sud de la Bolivie début avril. Il y a beaucoup de kms, nous ne sommes pas à l’abri d’éviter des portions en se faisant ramasser par des pickups pour prendre le temps de découvrir la culture du Nord de l’argentine.

À très vite pour la suite.

Valère & Simon

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